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Pourquoi le métier de distributeur de livres est-il si peu impacté par le numérique, contrairement à d’autres métiers du secteur du livre qui subissent d’énormes transformations ?

Avant d’arriver entre les mains d’un lecteur ou d’être présenté à la télévision, un livre passe par tout un parcours souvent méconnu. Parmi les maillons essentiels de cette chaîne, il y a le distributeur. Dans cet article, on va découvrir le métier de distributeur de livres : à quoi il sert, ce qu’il implique au quotidien, et comment le numérique intervient (ou pas) dans ce travail.

Amori Toutain travaille dans la distribution de livres à Bagneux, au sein de l’entreprise Le Dissez, spécialisée dans le stockage et l’envoi de livres. Cette société collabore avec de nombreuses maisons d’édition parisiennes et française. 

Le rôle des distributeurs est essentiel : recevoir les livres et les acheminer, notamment vers les médias, qui jouent un rôle clé dans leur promotion. Les livres que l’on voit souvent présentés à la télévision font partie des envois effectués par les distributeurs. Sans eux, la promotion en ligne des livres ne pourrait pas avoir lieu.

Amori exerce ses fonctions dans l’entrepôt de Bagneux, entièrement dédié au groupe Editis. Il s’occupe de la mise sous pli des ouvrages envoyés aux journalistes, prépare les communiqués de presse, expédie les colis, et veille au respect des délais.

Il travaille également en étroite collaboration avec les attachés de presse, réceptionne les nouveautés littéraires et organise les envois selon les priorités établies.

L’entreprise dispose aussi d’un entrepôt à Montrouge, surnommé « la maison mère », qui joue un rôle central dans la coordination globale. Ce site, chargé principalement des livraisons dans Paris, emploie une trentaine de personnes.


Quels sont les défis rencontrés au quotidien dans ce métier ?

L’un des principaux défis du métier de distributeur de livres réside dans la gestion des acheminements d’urgence. Il est fréquent que des livres doivent être livrés à la dernière minute, notamment pour une émission télévisée. Dans ce contexte, l’absence du livre au moment de la présentation peut compromettre toute la campagne de promotion. La réactivité devient alors essentielle, car le moindre retard peut nuire à la visibilité du titre.

En plus des envois classiques, les distributeurs sont également responsables de livraisons spéciales, en particulier à destination d’influenceurs. Ces colis incluent souvent des livres accompagnés de goodies et d’une présentation soignée. Il peut s’agir, par exemple, de mangas avec des marque-pages exclusifs ou des mini-figurines représentant les personnages principaux. Ces envois sont cruciaux pour accroître la visibilité des ouvrages, que ce soit sur des réseaux comme YouTube ou Instagram, ou à travers d’autres canaux médiatiques. Chaque média ayant ses spécificités, tous nécessitent une livraison rapide, précise et adaptée.

Quels types de livres sont distribués au sein de l’entreprise Le Dissez ?

L’entreprise Le Dissez distribue une grande variété de livres couvrant des thématiques diverses. Elle travaille notamment avec Solar pour les ouvrages liés au sport, au bien-être et à la santé. Elle distribue également de nombreux livres d’histoire, des romans historiques et des titres sur la nature, en collaboration avec Tana. Les romans classiques occupent également une place importante, en particulier ceux de la maison Pocket, très populaire. Enfin, Le Dissez prend aussi en charge la distribution de mangas ainsi que de livres audio, notamment ceux de la maison d’édition Lizzie.

Combien sont-ils pour gérer tout ce travail dans l’entrepôt de Bagneux ?

Ils sont quatre à travailler dans l’entrepôt de Bagneux. Trois employés se consacrent principalement à la mise sous pli, qui représente la plus grande charge de travail. Amori, lui, est en charge de la gestion des stocks ainsi que des relations avec les attachés de presse. Un autre collègue s’occupe de l’acheminement des colis, que ce soit vers la Poste ou via les coursiers.

Comment se font-ils connaître auprès des maisons d’édition ? Quelles sont leurs techniques de marketing et de communication ?

La communication de l’entreprise passe essentiellement par leur site internet, où sont présentées toutes leurs offres et services : la mise sous pli, le ramassage (c’est-à-dire la collecte de colis déjà prêts chez les éditeurs), et bien sûr, la livraison. De nombreuses demandes leur parviennent également par e-mail, certaines maisons d’édition les contactant directement de cette manière.

Cependant, la méthode la plus efficace reste le bouche-à-oreille. Le monde de l’édition étant assez restreint, les professionnels s’échangent souvent les bons contacts. Il n’est pas rare d’entendre : “Tu bosses avec qui, toi ?” – “Moi, je travaille avec Le Dissez.” C’est ainsi que se créent la plupart de leurs nouvelles collaborations.

Une des missions bien spécifiques du distributeur, c’est aussi le publipostage. Il s’agit de créer, à partir d’un fichier Excel rempli d’adresses de contacts, des étiquettes claires et soignées contenant le nom, le prénom, l’adresse et le lieu de livraison. Ces étiquettes sont ensuite imprimées, généralement avec le logo de l’entreprise et l’adresse de son site internet. Cela permet d’ajouter une touche de communication à chaque colis, faisant de chaque paquet livré un véritable support de promotion.

Quelles sont les qualités du site internet du Dissez ?
Le site internet du Dissez met en avant l’ensemble de leurs services, de manière claire et accessible. Il permet aux maisons d’édition de découvrir leur travail, leurs offres, ainsi que leurs prestations spécifiques comme la mise sous pli ou le ramassage chez les clients.

Pour le rendre plus vivant et attractif, l’équipe du Dissez a réalisé une petite vidéo promotionnelle. Elle retrace le parcours d’un livre livré dans Paris, depuis l’entrepôt jusqu’à sa destination finale. Cette vidéo permet non seulement de montrer concrètement leur travail, mais aussi d’ajouter du dynamisme et une touche de personnalité au site.

De quelle façon le numérique est-il présent dans leur quotidien ?
Le numérique joue un rôle important dans leur organisation. Par exemple, ils utilisent une base de données dans laquelle sont répertoriés tous les livres qu’ils reçoivent , classés par éditeur et par titre. Cela leur permet de suivre précisément chaque acheminement ou transport effectué.

Les éditeurs ont également accès à cette base, ce qui leur permet de consulter les stocks en temps réel et de gérer leurs envois plus efficacement, en choisissant par exemple quel livre envoyer, à quelle date et à quel destinataire. Cet outil est donc à la fois un moyen de gestion logistique et un outil de communication entre nous et les maisons d’édition.

Mais alors, travaillent-ils avec Amazon ou d’autres grandes plateformes de vente en ligne ?
Le Dissez ne travaille pas du tout avec Amazon ou ce type de grandes plateformes. Ces entreprises ne font pas de traitement au détail, comme la mise sous pli personnalisée, qui est justement au cœur du métier de distributeur. Par exemple, pour les box spéciales avec des goodies ou des présentations soignées, Amazon ne propose pas ce service.

C’est justement ce besoin de personnalisation qui rend encore essentiel le rôle du distributeur : les éditeurs ont souvent des demandes spécifiques, chaque envoi pouvant être différent selon le destinataire, l’événement ou la stratégie de communication. La seule grande entreprise avec laquelle Le Dissez collabore régulièrement est La Poste, qui prend en charge une partie des livraisons. Sinon, l’entreprise utilise également sa propre flotte de coursiers pour assurer les envois.

Dans la chaîne du livre, où se situe le distributeur ?

Si l’on part du principe que la chaîne du livre commence avec l’auteur, celui-ci écrit son ouvrage, puis l’éditeur le publie. Vient ensuite l’étape de la promotion : pour cela, les éditeurs envoient leurs livres aux médias afin que les journalistes puissent les lire, en parler, et ainsi en assurer la visibilité.
C’est précisément à cette étape que le distributeur entre en jeu : il se situe entre l’éditeur et les médias. Son rôle est d’acheminer les ouvrages vers les bons contacts, dans les bons délais, avec parfois des présentations personnalisées.

Avez-vous des exemples de médias que vous distribuez ?
Parmi les médias que Le Dissez est amené à livrer, on retrouve des émissions connues comme La Grande Librairie ou C à Vous. Ces envois sont essentiels pour assurer la promotion des livres auprès du grand public.

En tant que distributeur et acteur de la chaîne du livre, comment Amori perçoit-il l’évolution du secteur ?
Lorsque Amori a rejoint l’entreprise, il ne venait ni d’un milieu lié au livre ni d’une formation spécialisée dans ce domaine. Il pensait, à tort, que la lecture allait progressivement disparaître au profit du numérique – que les gens liraient de moins en moins sur papier, préférant les formats Kindle ou téléphone. À sa grande surprise, il a découvert que le marché du livre, notamment dans le secteur de la grande distribution comme celui d’Éditis, reste très dynamique. La demande en livres papier est non seulement stable, mais parfois en hausse. Les habitudes et les méthodes de communication autour du livre ont, selon lui, peu changé.

Et qu’en est-il de l’automatisation ?
Amori avoue ne pas souhaiter que son métier devienne entièrement automatisé. Il tient à son travail, mais aussi à celui de ses collègues. Il reconnaît cependant que certaines tâches, comme la mise sous pli accompagnée des communiqués de presse, pourraient tout à fait être automatisées. En revanche, pour les envois spéciaux – comme ceux destinés aux influenceurs avec des présentations personnalisées – une automatisation serait bien plus complexe.

Et concernant la promotion dans le monde numérique ?
Selon Amori, les distributeurs n’ont pas besoin de faire beaucoup de promotion active. Le secteur fonctionne surtout par le bouche-à-oreille. Dans le monde de l’édition, tout le monde se connaît. Lorsqu’un éditeur a besoin d’un distributeur fiable, il est souvent redirigé naturellement vers Le Dissez grâce à la réputation acquise dans le métier.

Comme nous avons pu le voir, le métier de distributeur de livres reste un travail majoritairement manuel. L’automatisation ou l’intégration d’outils numériques y est encore très limitée. C’est d’ailleurs pour cela que l’évolution dans ce métier se fait de manière assez lente. Automatiser certaines tâches reviendrait souvent plus cher que de les accomplir manuellement, surtout pour des entreprises de taille moyenne, contrairement à des géants comme Amazon qui ont les moyens d’optimiser chaque étape de la chaîne logistique.Le distributeur reste un maillon indispensable de la chaîne du livre. Sans lui, la promotion des ouvrages – que ce soit auprès des médias, des influenceurs ou du grand public – ne pourrait pas se faire de manière aussi fluide et personnalisée. Ce métier, souvent invisible, continue de jouer un rôle clé dans la mise en lumière de la création littéraire.

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Léane DUVILLARD – Numériquement livre